Webdesigner, typographe, directeur artistique, animateur 3D… Si l’activité de graphiste recouvre une immense variété de métiers, il peut aussi s’exercer dans le cadre de différents statuts et régimes : salarié, micro-entrepreneur, libéral ou encore artiste-auteur. Ce dernier, en tant que régime social préférentiel, est soumis à certaines règles. Quelles sont-elles ? Comment savoir si votre activité correspond à ce régime ? On vous explique tout !
Artiste-auteur : cadre et avantages
Le « statut » ou plutôt le régime social d’artiste-auteur est dit préférentiel. A ce titre, il offre un certain nombre d’avantages, dont une bonne couverture sociale malgré des cotisations relativement faibles comparées à celles de ses homonymes indépendants (un graphiste artiste-auteur cotisera moins qu’un graphiste libéral relevant de la Sécurité sociale des indépendants pour une même couverture sociale de base). Cette particularité du régime social de l’artiste-auteur s’inscrit dans une action politique visant à favoriser les artistes et la création, et c’est bien pour cela que les activités permises par le statut d’artiste-auteur sont encadrées : il serait injuste qu’un graphiste exécutant puisse bénéficier des avantages du statut d’auteur en facturant des prestations purement techniques n’apportant rien au champ de la création. Pour bénéficier du statut d’artiste-auteur, les activités du graphiste auteur doivent relever de la conception et de la réalisation d’œuvres graphiques originales.
Qu’est-ce qu’une œuvre originale ?
Commençons par éliminer quelques questions qui n’ont — contrairement à la rumeur — aucune importance dans le jugement de l’originalité d’une œuvre graphique.
Le fait qu’elle soit ou non l’objet d’une commande, son support, sa qualité, les outils utilisés dans sa réalisation… n’ont aucune incidence sur la capacité d’une œuvre à être une création originale. Une œuvre graphique issue d’une commande et réalisée dans les contraintes d’une charte graphique préexistante peut tout-à-fait être une œuvre originale.
Selon la Maison des Artistes, sont œuvres originales les créations graphiques
destinées à transmettre un message visuel dans tous les domaines de la vie économique, sociale et culturelle pour tous modes de diffusion (presse, publicité, édition, audiovisuel, multimédia…), quels que soient les technologies ou outils mis en oeuvre : utilisation ou non de l’informatique (palette graphique, logiciel d’animation…).
On vous l’accorde, ce n’est pas évident… Prenez une grande inspiration, on continue :
Sont concernées :
L’ensemble des opérations concourant à l’exécution de la maquette finalisée (jusqu’au bon à tirer), soit recherches et premiers projets, mise au point, réalisation technique, est pris en compte dans le cadre de l’activité d’artiste-auteur.
Concernant la réalisation technique, il s’agit de l’exécution des documents nécessaires à la réalisation de l’œuvre, à sa reproduction ou à sa diffusion, c’est-à-dire participation aux prises de vue utiles à la réalisation de l’œuvre, fournitures telles que documents d’illustrations ou documents d’archives, suivi de réalisation ; contrôle de la réalisation technique de la création, fourniture de films, fourniture de fichiers numérique.
Si cette définition reste compliquée — pas de panique, les exemples concrets et les schémas arrivent bientôt ! — on y lit en filigrane deux caractéristiques fondamentales de l’activité du graphiste auteur : la conceptualisation (« maquette », « recherches », « premiers projets ») et la réalisation de cette conceptualisation.
Eh oui, une œuvre originale c’est avant tout un concept né de l’esprit de l’auteur. Créer une œuvre originale, c’est créer un concept, et éventuellement le réaliser. Cette définition exclut catégoriquement les prestations relevant de la pure exécution technique, que l’on pourrait définir comme l’exécution de concepts préexistants.
→ Définir la charte graphique d’une entreprise = création originale (concept) = OK
→ Définir la charte graphique d’une entreprise et l’appliquer à ses différents supports de communication = création originale (concept + réalisation) = OK
→ Décliner un logo fourni par une entreprise à ses différents supports de communication = exécution technique seule = pas OK
Activités principales et accessoires du graphiste auteur
Comme tous les artistes-auteurs, les activités du graphiste auteur se classent selon deux catégories : ses activités principales et ses activités accessoires. Les premières sont des activités de pure création, tandis que les secondes en sont le prolongement.
Les activités principales comprennent ainsi la vente d’œuvres originales et la cession de droits d’auteur sur ces œuvres, la participation à des conférences sur son propre travail en tant que créateur ou encore la co-création d’œuvres originales. Les activités accessoires, dans le prolongement de ces activités de création, comprennent : les cours donnés par un créateur dans son atelier, la transmission de savoir, la participation à des conférences et débats sur des thèmes généraux lié à sa discipline ou encore l’assistanat d’artiste.
Les 2 limites pour la facturation des activités accessoires :
Pour pouvoir être facturées, ces activités accessoires ne doivent pas dépasser le seuil maximal de 1 200 x H smic annuel (soit 13 524 euros pour l’année 2023). Si elles dépassent ce seuil, l’artiste devra les facturer autrement, en créant un statut de micro-entrepreneur par exemple.
Par ailleurs, pour pouvoir facturer des activités accessoires, un artiste-auteur devra pouvoir justifier d’au moins 1 prestation relevant des activités principales dans l’année en cours ou sur une des deux années précédant l’année en cours (il devra avoir réaliser au moins 1 vente d’œuvre par exemple).
Attention ! Les prestations relevant de la pure exécution technique de travaux graphiques ne rentrent ni dans la catégorie des activités principales, ni dans celle des activités accessoires. Il n’existe aucun seuil ni tolérance quant à ces prestations : un graphiste auteur n’est jamais autorisé à facturer de services d’exécutant au nom de son activité d’auteur (rappelez-vous, c’était cette histoire de statut préférentiel en début d’article!).
Vente, reproduction et cessions de droits sur les oeuvres
En tant que graphiste, il est probable que vos œuvres soient exploitées commercialement, et donc reproduites et diffusées. Il est également probable que vos créations soient des œuvres numériques, car créées sur ordinateur. Par exemple, dans le cas d’une création de logo, c’est le fichier numérique qui est considéré œuvre originale. Son apparition sur des cartes de visite, sur l’habillage d’une page internet ou encore sur un t-shirt promotionnel, eux, n’en sont que des reproductions.
En tant qu’artiste-auteur, vous pouvez créer et vendre vos œuvres originales, mais il vous est interdit de vous charger vous-même de leur exploitation, c’est-à-dire leur reproduction et de leur vente successive.
La seule exception concerne les reproductions de planches et de dessins par procédés manuels (gravure, estampe, lithographie), dont sont exclus les procédés mécaniques ou photomécaniques (exit la vente de cartes postales imprimées avec ses dessins).
Problème :
Jean-Michel Client a vu votre illustration sur Instagram, et il rêve d’en avoir une reproduction poster pour mettre au-dessus de son canapé. Comment satisfaire M.Client tout en restant dans le cadre des activités autorisées par mon statut de graphiste artiste-auteur ?
Si tu ne peux pas reproduire et vendre toi-même de reproduction poster de ton illustration numérique, il ne t’est pas interdit de vendre le fichier numérique à Jean-Michel, et de le laisser l’imprimer. Dans ce cas-là, la vente de l’œuvre sera accompagnée d’un contrat de cession de droits qui mentionne les droits et les conditions de leur cession. Tu pourras ainsi établir un contrat mentionnant la cession d’un droit de reproduction, les éventuelles conditions de cette reproduction (nombre de reproductions, format(s) autorisé(s), procédé(s) d’impression, type de papier…) et la durée et zone géographique concernées par cette cession de droits d’auteur.
De la même manière, rien ne t’empêche d’établir un contrat de cession de droits avec un éditeur pour que celui-ci se charge de l’exploitation (reproduction, diffusion) de ton œuvre.
… Et comme 1 schéma vaut souvent mieux qu’une explication écrite (surtout pour toi, graphiste!), voici un petit récapitulatif pour t’aider à articuler tout ce dont on vient de parler :
Sources :
Livre « Graphiste indépendant », Editions Eyrolles, Julien Moya
https://caap.asso.fr/spip.php?article1043
https://www.secu-artistes-auteurs.fr/artiste-auteur/le-regime-social/affiliation/activites-artistiques-eligibles/les-activites-du-champ